Août 2021, la France entérinait la Loi Climat et Résilience portant les objectifs de zéro émission et artificialisation nette en 2050. En janvier 2022, la RE2020 est officiellement entrée en application. La loi pousse donc maintenant à construire plus haut tout en limitant le coût carbone des ouvrages dès la conception.
Ces leviers législatifs favorisent le développement des Immeubles de Grande Hauteur (IGH) en bois. Partout en France les projets fleurissent : Strasbourg avec un ensemble de 38 m de haut, Bordeaux avec Hypérion (57m) et Sylva (50m), Toulouse avec Wood Art …
Lorène Bock, ingénieure structure bois dans le bureau d’étude CTEbois à Lyon, témoigne cependant des fortes contraintes lors de la conception des IGH causés par la complexité des structures et le manque d’outils techniques
et normatifs.
Quelles sont les modes constructifs permettant la réalisation d’IGH ?
Lorène Bock : La hauteur des immeubles induit de très forte charge en bas des bâtiments. C’est pour cela que l’ossature bois porteuse se limite à R+4 voir R+5 pour du logement. Pour reprendre ces contraintes nous utilisons majoritairement les structures poteaux poutres qui reprennent les efforts verticaux. Sur ces structures le contreventement est assuré par des planchers rigides (par exemple CLT) jouant le rôle de diaphragme et des croix de contreventement (palées de stabilité) ramenant les efforts horizontaux au pied du bâtiment. Sur ce point l’utilisation du Douglas est intéressante : Lorsque les CLT sont classées par les fabricants selon le module d’élasticité, le Douglas permet à résistance égale d’économiser de la matière par rapport à l’Epicéa. Il peut permettre par exemple de gagner 2 à 4 cm d’épaisseur sur chaque panneau de CLT, ce qui est considérable sur des projets de grande envergure.
La conception des IGH est de plus en plus documentée ces dernières années, est-ce suffisant à ce stade ?
Lorène Bock : Pas encore, la plupart des avis techniques,
documents normatifs, etc.… ont un domaine d’application limité en hauteur, c’est notamment le cas des revêtements
de façade.
Pour remédier à cela, nous devons faire des Avis de chantier, des tests complémentaires sur place etc.… ce qui est long et onéreux.
Le processus pour la mise à jour des textes normatifs étant très long et même si les entreprises font les démarches pour s’adapter à l’IGH, ce n’est pas près de se simplifier…
La filière travaille actuellement à la caractérisation de la résistance du Douglas face à la propagation du feu en façade, je suppose que les IGH ne font pas exception à ces problématiques ?
Lorène Bock : Plus on monte dans les étages, plus les exigences de résistance au feu sont importantes. On arrive rapidement à des stabilités au feu 1h30 voire 2h.
Sachant que l’Eurocode 5 donne une méthode de vérification des assemblages au feu valable jusqu’à 60min d’exposition, on arrive vite à une situation « hors norme » pour laquelle il faut prendre des hypothèses et réaliser des essais feu.
Quand on monte dans les étages on découvre également la problématique de propagation du feu en façade (selon l’IT 249) avec la règle du C+D qui s’applique
dès qu’on dépasse de R+3 en logement (3ème et 4ème famille) ou que le plancher bas du dernier niveau est supérieur ou égal à 8m du sol en ERP. C’est une problématique qui arrive très vite !
La règlementation incendie impose enfin un niveau de réaction au feu maximum pour les revêtements extérieurs des façades. Le bois en façade (bardage) est donc complètement exclu pour des immeubles de hauteur supérieure à 28 mètres. Cependant, l’utilisation du Douglas en bardage peut en fonction des situations être plus favorable s’il est mieux classé que les autres bardages bois.
En tant que bureau d’étude comment prescrivez-vous le Douglas ?
En tant qu’ingénieurs structure, nous jouons un rôle de prescription très important. Nous pensons qu’il est important de valoriser le bon matériau au bon endroit en prenant en compte les contraintes d’approvisionnement
locale. C’est pourquoi nous préconisons l’utilisation du Douglas dans les éléments de structure complexes avec des exigences mécaniques élevées, pour qu’il soit employé à sa juste valeur.
Quels sont selon toi les actions que peut mener France Douglas pour faciliter le travail des bureaux d’Étude ?
Il faudrait que les associations interprofessionnelles de la filière bois travaillent ensemble pour développer un cadre normatif autour de l’acte de construire en bois permettant d’assurer les trajectoires données par la Stratégie
Nationale Bas Carbone (SNBC) . Il faudrait lever certains leviers règlementaires, expérimenter et massifier de manière industrielle la construction bois pour la rendre viable économiquement.
Un mot sur CTEbois pour finir ?
Bien que nouvellement créé, CTE Bois participe déjà auprès du BNTEC et d’ADIVBOIS au développement du cadre normatif français, que ce soit sur la prochaine version des Eurocodes ou pour le développement des
immeubles à vivre bois. La mixité allant de pair avec une utilisation raisonnée des ressources, CTEbois et le groupe CTE, spécialisé dans l’ingénierie des structures bois, béton et métal, s’efforcent d’utiliser le bon matériau au
bon endroit pour permettre de répondre à la fois aux contraintes environnementales, architecturales et budgétaires
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Retrouvez l’article complet d’Alexandre Audoux dans le magazine Filière Bois numéro 51 en téléchargement gratuit sur www.filiere-bois.fr