Un groupe de recherche interdisciplinaire de Centrale Marseille, de l’Inra, d’AgroParisTech, du CNRS, d’Aix-Marseille Université, a mis au point un modèle simulant l’évolution d’une forêt pendant plus de 200 000 ans. Les arbres qui y poussent sont en compétition pour l’accès à la lumière, ajustent leur croissance en réponse au vent et sont soumis à des tempêtes qui peuvent casser leurs branches. L’action conjointe du vent et de la lumière peut ainsi expliquer comment la forme des arbres a émergé, au cours de l’évolution.

Tous les processus de l’arbre virtuel dépendent de paramètres quantitatifs décrivant la sensibilité à la lumière, au vent ou les priorités concernent la distribution des produits de la photosynthèse. Ces paramètres peuvent être interprétés comme des gènes de l’arbre. Il suffit alors d’imaginer que leurs valeurs peuvent varier, de génération en génération, par des mutations génétiques aléatoires. L’évolution est ensuite simulée sur une île virtuelle, baignée de soleil et de vent. Pourquoi une île ? Parce qu’on peut supposer qu’elle est isolée et ne reçoit pas de graine ou de pollen d’autres endroits. Et aussi parce que les études d’écologie évolutive ont montré que les îles assuraient une sélection rapide. le programme informatique, appelé MechaTree, permet d’ensemencer des centaines d’îles virtuelles avec des graines dont les paramètres-gènes sont aléatoires. Les arbres germent, poussent, une forêt dense se développe. Les individus moins favorablement pourvus génétiquement disparaissent (c’est l’auto-éclaircie), les autres se reproduisent plus ou moins, c’est la sélection naturelle (virtuelle). Puis les graines germent à nouveau, certaines espèces dominent l’île, d’autres disparaissent parfois.

Le modèle développé permet de préciser les rôles joués par la lumière et le vent. Il apparaît que la transparence du feuillage et la compétition pour la lumière sont les premiers déterminants de la dimension fractale de l’arbre. De son côté, la réponse au vent, la thigmomorphogénèse, contrôle l’évolution du diamètre des branches. Selon les chercheurs, d’autres facteurs ont pu jouer dans la sélection naturelle, comme le transport hydraulique de sève. Il est même probable qu’en fonction de l’environnement où ont évolué les espèces, c’est la conduction de la sève ou la résistance au vent qui a exercé la plus grande pression sélective. Cette étude a cependant démontré que le couple lumière-vent joue un rôle crucial dans la forme des arbres. Cette découverte change la donne en écologie forestière, mais elle change aussi nos représentations de ce qu’est un arbre et de ce qui a fait les arbres actuels.

Référence
Christophe Eloy, Meriem Fournier, André Lacointe & Bruno Moulia. Wind loads and competition for light sculpt trees into self-similar structures, Nature Communications doi:10.1038/s41467-017-00995-6

Visuel : Programme MechaTree, Centrale Marseille, C. Eloy